Dans cette entrevue réalisée à Paris, Sannae Sabbak, fondatrice de Saba Communication, parle de sa vision africaine et féministe et surtout de son ambition de faire partie de celles et ceux qui participent au rayonnement du continent.
Par Aïssatou Diamanka-Besland
Vous êtes une entrepreneure, mais pas que…
En effet, je suis née au Maroc et j’y ai grandi jusqu’à l’âge de 8 ans. Je suis arrivée en France où j’ai fait toutes mes études et démarré ma vie professionnelle.
Je suis diplômée d’une école de commerce, l’IDRAC et au fil des années, j’ai volontairement voulu consolider mes acquis à travers des formations pour les professionnels à HEC et l’ESSEC.
Je suis passée par le groupe Yahoo, puis par le groupe DDB live, où j’ai beaucoup appris aux côtés de mon mentor Olivier Girardot. Je suis une femme passionnée du continent africain et des enjeux qu’il représente.
Cela dit, le rêve de l’entrepreneuriat a toujours été présent dans mon univers. J’ai décidé donc de lancer Saba Communication en 2011 afin d’accompagner les acteurs du continent dans leur problématique de communication et d’évènementiel. Je dirais que je suis une femme de challenges. Une femme qui a su s’imposer dans un milieu d’affaires où jusqu’à présent les hommes avaient plus leur place.
Vous êtes la fondatrice de Saba Communication, un cabinet de conseil en communication…
Saba Communication est un cabinet de conseil qui accompagne les acteurs majeurs du continent africains en termes de communication, d’organisation d’événements, de relations presse, de digital d’influence, d’achat d’espace et de création de films institutionnels.
Nous proposons à nos clients une communication globale à 360° sur des sujets corporate afin de réaliser un travail approfondi dans la durée.
« Nous avons tous un rôle à jouer dans le changement de notre narratif. Emparez-vous des réseaux sociaux et racontez les forces vives du continent, les idées, les projets. Le monde a beaucoup à apprendre de l’Afrique ! Je fais appel aux talents locaux, c’est important pour moi. Par exemple au Tchad, j’ai un partenaire avec qui j’ai établi une relation de confiance durable », dixit Sannae Sabbak.
J’ai, par ailleurs, créé Afrik’us Conseil, la filiale de Saba Communication à Casablanca, parce qu’il était primordial pour moi d’avoir une implantation sur le continent. En revanche, au lieu de créer des bureaux dans les pays, je préfère travailler avec les agences locales.
Pour vous, aujourd’hui, « les Africaines doivent désormais se servir des médias et des réseaux sociaux pour la promotion de leur pays, mais également pour les causes qu’elles défendent », n’est-ce pas déjà le cas ?
Les institutions et les gouvernements africains ont besoin d’un rayonnement positif à l’international. Il faut qu’on cesse de parler de l’Afrique de façon misérabiliste ou uniquement sur des problèmes sécuritaires, de corruption, de mal-gouvernance…
Je vois encore trop de grands titres économiques français qui ne parlent d’Afrique que lors des coups d’État. Il y a tellement de belles choses à raconter.
Regardez ce qui se passe au niveau des nouvelles technologies, de la santé, de l’agriculture, de l’éducation. Il est temps de renouveler le narratif sur l’Afrique. De mon côté, je m’y emploie et je suis persuadée que nous pouvons compter sur un grand nombre d’Africaines pour faire bouger les lignes.
Les femmes, et c’est universel, souffrent d’invisibilité dans les médias. Il y a des études sur ce sujet dans le monde : Au Kenya par exemple, une étude de l’ONU montre que les femmes bénéficient de seulement 30% de visibilité dans les médias par rapport aux hommes, et on leur donne la parole principalement sur des sujets de santé et de nutrition, etc.
Pourtant vous gardez de l’optimisme. Quels sont les changements visibles et concrets que vous avez notés du côté des femmes sur le continent ?
Il y a un mouvement vraiment intéressant sur la façon dont les femmes, en Afrique subsaharienne, en particulier, se sont emparées des médias et des réseaux sociaux. Elles ont bien intégré qu’elles devaient s’octroyer la parole, devenir leur propre média pour valoriser leurs activités, raconter leurs succès, faire rayonner leurs pays à l’international. Elles n’attendent personne.
Je peux citer Amal El Fallah Seghrouchni spécialiste de l’intelligence artificielle qui a été nommée à la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies (Comest) de l’Unesco. Ou encore, au plus haut niveau, l’exemple de la première dame du Gabon, Sylvia Bongo, qui est suivie par plus de 102 000 followers sur Twitter et plus de 356 000 sur Facebook.
Quand, le 23 septembre, les textes de lois en faveur de la protection des droits des femmes ont été promulgués, le tweet de la première dame à ce sujet a fait réagir positivement la Présidence de la République, à travers son porte-parole, mais également l’ONU Femmes et de nombreuses institutions internationales.
En Afrique, comment procéder pour que la communication aide à une large représentation des femmes en politique ?
Il y a des mouvements très forts dans le monde qui épinglent les conférenciers qui n’auraient pas trouvé une seule femme comme speaker. Quel que soit le sujet, on peut toujours identifier une femme brillante, calée sur son sujet. C’est pareil en politique : aucun pays ne peut prospérer sans la participation des femmes et même quand il n’y a pas de quotas, plus aucun gouvernement ne s’amuserait à présenter une composition faible en ministres féminins.
Dans le paysage politique marocain, un changement appréciable a été noté en 2021, de quoi s’agit-il ?
Regardez au Maroc, en 2021, le gouvernement de Abdel-Ilah Benkiran n’avait qu’une seule femme. La sonnette d’alarme avait alors été tirée. Le nouveau chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch était très attendu sur la représentativité féminine dans sa prochaine équipe. Il savait le tollé que provoquerait dans les médias et sur les réseaux sociaux une mauvaise représentativité féminine dans le futur gouvernement.
On compte pour la première fois dans l’histoire du Maroc près d’un tiers de femmes ! Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des finances, Fatim-Zahra Ammor au Tourisme….Je suis fière de voir ces femmes à la compétence prouvée nommées à la tête de départements stratégiques.
En plus, ce sont des femmes qui ont été désignées maires des trois plus grandes villes du pays : Asmaâ Aghlalou à Rabat, Nabila Rmili à Casablanca et Fatima-Zahra Mansouri à Marrakech. On ne peut que se réjouir de la volonté affichée de renforcer la représentativité de la gente féminine dans les postes de pouvoir, parce que cela amènera, j’en suis persuadée, un réel progrès social et économique. Il nous incombe à tous, hommes et femmes, de continuer à faire pression, grâce aux nouveaux outils de communication, pour une plus large représentation des femmes en politique.
En quoi consiste concrètement votre accompagnement auprès des gouvernements et institutions africaines ?
J’ai eu la chance et l’honneur d’accompagner de grandes institutions comme la BEAC pour laquelle nous avons réalisé un travail de titan.
Le rôle de Saba Communication auprès de la BEAC a été de l’accompagner pour reprendre la main sur sa communication et sa réputation online. Mettre en avant la nouvelle gouvernance, un système collégial en interne qui permettait d’avoir une décision commune à tous les pays adhérents pour des décisions et orientation engageant la banque.
Nous l’avons également accompagnée dans l’organisation de divers événements comme le 40è anniversaire de la banque organisé par mon agence à Malabo avec 1 500 invités et la présence de plusieurs chefs d’États.
A ce jour, cela fait une dizaine d’années que je suis sur le terrain en Afrique. Avec mon agence Saba Communication, j’ai la chance de travailler avec des talents et des gens formidables qui me font confiance.
Ce qui me stimule c’est de faire rayonner l’Afrique internationalement. Et mon message serait le suivant : Nous avons tous un rôle à jouer dans le changement de notre narratif. Emparez-vous des réseaux sociaux et racontez les forces vives du continent, les idées, les projets. Le monde a beaucoup à apprendre de l’Afrique !
@ADB
ENCADRE
A la rencontre de Sannae Sabbak, une panafricaniste
Sannae Sabbak est née au Maroc. A l’âge de 8 ans, elle quitte le Royaume pour la France en vue de poursuivre ses études et plus tard mener sa vie professionnelle.
Diplômée d’écoles de commerce, IDRAC, HEC et ESSEC, elle travaille au sein du groupe Yahoo et plus tard à DDB live Group. Elle y apprend les bases du métier de la communication.
En 2011, elle décide enfin de se lancer en créant son propre cabinet de conseil Saba Communication, une structure qui accompagne les acteurs du continent africains en termes de communication, d’organisation d’événements, de relations presse ou de création de films institutionnels.
@ADB