Rim Benwahoud : Nous les femmes !

Rim Benwahoud est directrice générale adjointe d’un important cabinet de courtage d’assurances à Casablanca. Elle  présente son métier, que beaucoup de femmes rejoignent, mais encore trop peu à des postes à responsabilité.

Propos recueillis par Laurent Soucaille

Quel a été le parcours qui vous a conduite à devenir directrice générale adjointe d’une société de courtage ?

Après une licence MSG à Montpellier et une année de formation à L’École nationale d’assurances (ENASS), j’ai préparé et obtenu mon master à l’École supérieure d’assurances (ESA). 

Pendant ces deux années de formation supérieure, j’ai travaillé en alternance avec le géant de l’assurance AXA avant de rejoindre Pierre & Vacances.

Les femmes sont beaucoup plus consciencieuses et plus appliquées pour les tâches de gestion. C’est pourquoi nous essayons de les tirer vers le haut, de leur donner confiance. Je le vois tous les jours au sein de ma société : ses bons résultats sont aussi le travail d’une équipe essentiellement féminine !

Puis je suis revenue au Maroc, en 2010, auprès du groupe familial Benwahoud, l’entreprise de courtage en assurance et en réassurances créée par mon père. Lequel avait, déjà, suivi une tradition, grands-parents, oncles, cousins, travaillent dans la banque ou l’assurance. Le flambeau se transmet désormais de père en fille !

Un choix de carrière évident, donc ? 

Pas forcément, mais j’ai découvert très tôt la noblesse de ce métier. Ce « déclic » a été suivi par un cheminement naturel après ma licence et mes stages au sein de l’entreprise familiale et dans d’autres structures, qui m’ont permis de me projeter dans cette activité.

Je suis passée par toutes les fonctions de notre organisation pour me préparer au métier d’entrepreneur à travers une formation du terrain et, depuis cinq ans, je suis directrice générale adjointe du groupe.

Quelle est la spécificité de sa société dans le paysage de l’assurance au Maroc ?

Je dirais pour commencer sa longévité : Assurances et Réassurances Benwahoud a été créé en 1980 par Faraj Benwahoud.

L’autre spécificité est sa double casquette de cabinet généraliste et de spécialiste, expert en risques engineering, dont nous en avons fait notre cœur de métier durant plusieurs décennies.

Notre groupe bénéficie de la confiance des compagnies d’assurances qui nous ont octroyé les mandats de gestion et de règlement.

Nous sommes des assureurs conseils et non des placeurs de contrats d’assurance courtiers, commerçants indépendants, mandataires des clients.

Nous œuvrons dans les principales familles d’assurance à savoir : les assurances de personnes, de responsabilités et celles de dommages. Le groupe Benwahoud a également développé des expertises de niche notamment en engineering : ponts, barrages, autoroutes, centrales électriques… Les assurances de grosses cylindrées et les véhicules de collection en font partie. Je suis fière de préciser que nous étions les premiers !

Nous comptons une quinzaine de salariés, qui travaillent en général en binôme, pour deux bureaux à Casablanca.

Quel est votre rôle dans cette société ?

L’entreprise a une autre particularité : nous n’avons pas de « commerciaux », cette tâche de recruter les clients incombe essentiellement à mon père et à moi ! Les autres membres de l’équipe sont gestionnaires, comptables, etc.

La définition réglementaire de courtier(e) en assurance est un commerçant patenté mandataire de son client. Je tiens à cette approche : je suis avant tout au service de mon client, bien que nous soyons également des partenaires des assureurs. Je dois veiller à l’accompagnement de mes clients pour identifier, analyser et transférer les risques résiduels vers une compagnie d’assurances, tout en optimisant leurs budgets.

Je négocie avec la compagnie d’assurance choisie, tarifie les dossiers d’assurés couvrant généralement des risques standards comme l’incendie, l’accident, des risques divers, l’assurance vie. J’assure le contrôle et le suivi de tous les départements de notre organisation : technique, administratif et financier. Je tiens à contrôler tout document, toute offre, qui part vers un de nos clients ! Ces derniers sont aussi bien des particuliers, des entreprises, des professions libérales…

Quelles sont les formations pour accéder au métier de courtier, ou courtière, au Maroc ?

Plusieurs voies sont possibles. Pour travailler en tant que courtier en assurance, il faut avoir obtenu au moins bac +2 (BTS Banque, BTS Assurance, licence professionnelle, master Économie ou école de commerce, etc.).

Mais le candidat doit également recevoir un certificat de capacité professionnelle. Dès lors, il lui faut effectuer soit un stage professionnel de 150 heures minimum dans une société d’assurance, soit un stage de deux ans dans un cabinet de courtage, soit un stage de quatre ans à un poste à responsabilités dans une entreprise, soit être diplômé en assurance ou en courtage.

Pourquoi compte-t-on encore trop peu de femmes à des postes de responsabilité dans ce domaine, alors que d’autres métiers paraissent plus ouverts ? 

C’est une activité où exercent beaucoup de femmes mais comme dans de nombreux autres secteurs, la répartition des sexes dans les postes de direction ou dans les conseils d’administration n’est pas équilibrée…

Dans l’assurance, bien sûr, on peut citer Meryem Chami, directrice générale d’AXA Assurance Maroc, mais il faut que nous soyons plus nombreuses à des postes de direction ! Dans le courtage, un important cabinet est détenu par une femme, mais il est vrai que le métier, aux échelons élevés, est encore essentiellement masculin. Peu à peu, les choses changent.

Au-delà des contraintes familiales ou d’environnement social, comme pour d’autres métiers, le métier de l’assurance a pourtant tout pour attirer les femmes. Il faut donner davantage leurs chances aux femmes ! Elles sont beaucoup plus consciencieuses et beaucoup plus appliquées pour les tâches de gestion. C’est pourquoi nous essayons de les tirer vers le haut, de leur donner confiance. Je le vois tous les jours au sein de ma société : ses bons résultats sont aussi le travail d’une équipe essentiellement féminine !

Distinguez-vous un problème de formation ?

Non, à ce niveau-là, il n’y a pas de différences entre les femmes et les hommes, au Maroc, les jeunes femmes peuvent choisir les formations qu’elles veulent. J’ai moi-même dispensé quelques formations en écoles de commerce, en master 1 et 2.

Ces classes comptaient beaucoup de femmes déjà employées par une société d’assurance, ou en recherche d’emploi. J’ai enseigné à l’université de Settat et j’attachais une attention particulière aux jeunes femmes pour les motiver.

En revanche, il est vrai, les formations sont parfois chères ; certaines parviennent, pour une formation de deux ans, à trouver un financement par leur employeur, d’autres, par leurs parents.

Que faudrait-il faire pour rendre le métier plus accessible aux femmes, y compris à des postes de responsabilité ?

Dans mon management quotidien j’encourage mes collaboratrices à suivre davantage de formations, pour acquérir de l’autonomie et gravir les échelons. Certaines parviennent à ouvrir leur propre cabinet, mais on déplore plusieurs échecs. Il s’agit avant tout d’entrepreneuriat. Il faut se constituer un portefeuille de clients suffisant important pour être rentable en gardant à l’esprit que cela prendra quelques années.

Le métier est en forte progression, mais, par nature, la clientèle est exigeante et volatile, d’où une part de risque. C’est un écueil à surmonter.

Quelles sont les caractéristiques du secteur ?

Le marché marocain de l’assurance a fortement progressé, depuis dix ans. Quand je suis revenue au Maroc, je pensais que je vendrais des assurances vie aussi facilement qu’en France, lorsque je travaillais avec AXA. J’ai vite déchanté, car la population marocaine n’avait pas cette culture de l’assurance, de l’épargne.

Aujourd’hui, entreprises et particuliers réclament des produits d’épargne spécifiques. De nombreux produits d’assurance santé sont proposés sur le marché, on n’en comptait qu’un seul, voici dix ans ! La crise de la Covid-19 a accéléré la tendance, beaucoup de gens se rendent compte qu’un contrat individuel d’épargne est important.

La profession organise diverses campagnes de sensibilisation, à la radio notamment. On compte un petit nombre d’assureurs compétitifs, sept ou huit, mais nous pouvons, en tant que courtiers, faire jouer la concurrence.

L’assurance Vie, Santé, Crédit sont en forte expansion et les Marocains sont plus désireux d’y souscrire, c’est tout à l’avantage de notre profession ! De nouvelles offres s’adressent aux ménages moins favorisés, voilà un marché prometteur qui s’ouvre également, car chacun devrait avoir la possibilité de souscrire une assurance Santé, notamment.

Le métier suit-il la modernisation du Maroc ?

Tout à fait. La numérisation facilite le travail et accélère les procédures. Voici peu de temps encore, il était interdit d’envoyer un dossier par mail, il fallait le déposer au cabinet. La crise sanitaire a permis de lever cette interdiction et progressivement, nous devrions poursuivre cette marche vers le tout numérique, même si tout ne peut pas se régler en ligne. Des dossiers qui attendaient jusqu’à 48 heures dans un tiroir peuvent être traités plus rapidement. Cette démocratisation rend le métier encore plus séduisant pour de nouvelles diplômées !

*Rim Benwahoud, courtière au Maroc

@LS

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