Depuis 27 ans à Marseille, la structure Triangle Astérides accueille des artistes, autant de femmes que d’hommes, qui confrontent leurs visions et leur art. De nombreux Africains, en particulier, témoignent de leur savoir-faire, se félicite Céline Kopp, commissaire d’expositions.
Propos recueillis par Serges David, envoyé spécial à Marseille
Triangles Astérides est très présente au sein de la saison Africa2020, quelle est la mission de cette structure ?
À Marseille, Triangles Astérides est un centre d’art contemporain et une structure de résidence d’artistes, qui est aussi l’occurrence française d’un réseau international rassemblant des lieux d’art créés par des artistes. Ce réseau est présent dans 41 pays à travers lequel nous pensons l’international à l’aune des savoir-faire développés au plan local.
On constate qu’au sein de votre structure figurent énormément des femmes subsahariennes et maghrébines. Leur présence répond-elle à un besoin particulier ?
Ce que vous observez découle de l’histoire de Triangle, qui démarre bien avant son occurrence marseillaise. Elle débute en 1982 dans l’État de New York. À l’origine Triangle, ce sont uniquement des Américains, des Canadiens, et des Anglais qui se rassemblent pour une retraite. Avec l’idée : les artistes apprennent des artistes. Évidemment quand on passe quinze jours ensemble, il se passe des choses qui nourrissent la carrière des artistes durant des années !
L’artiste algérienne Lydia Ourahmane, née en 1992, a très tôt, fait l’expérience de l’immigration. Son travail est très émouvant, parce qu’elle part toujours d’histoires très personnelles. Et malgré tout, elle arrive à considérer des sujets géopolitiques qui nous touchent tous.
Cette première expérience, en 1982, n’était pas destinée à se renouveler. Pourtant, elle a été si merveilleuse que dès la première année, les fondateurs, l’artiste britannique Anthony Caro et le collectionneur et philanthrope Robert Loder, ont eu envie de poursuivre cette aventure. Dès l’année suivante en 1983, ils ont attiré des artistes venus d’ailleurs, notamment d’Inde et d’Afrique de Sud.
Les artistes qui participent à ces Workshops retournent après dans leur milieu d’origine et, souvent, ils souhaitent récréer la même expérience. Dès 1985, il y avait déjà un Triangle à Johannesbourg.
Aujourd’hui, en tant que directrice de Triangle Astérides à Marseille, je travaille avec mes partenaires. Depuis 27 ans, nous accueillons des artistes qui viennent du continent africain, puisque nous avons beaucoup de partenaires, et en l’occurrence, beaucoup de femmes. Nous en sommes très fiers ; depuis 27 ans, Triangle accueille des artistes dans une parité parfaite !
En parlant de femme, vous présentez Lydia Ourahmane qui expose Barzakh, une exposition très émouvante, pouvez-vous en dire un peu plus sur son travail ?
Lydia Ourahmane produit sa première exposition personnelle à Triangle Astérides en France, on pourra la voir jusqu’à la fin octobre 2021. Cette artiste est née en 1992 à Saïda, en Algérie. Très tôt, elle a fait l’expérience de l’immigration pour des raisons politiques.
Elle travaille justement sur ces questions, sur la manière dont les corps peuvent être affectés par les contraintes de mouvements, par les contraintes géopolitiques. C’est très émouvant, parce qu’elle part toujours d’histoires très personnelles : de celles de ses proches. Et malgré tout, dans sa pratique qui se développe à travers une démarche conceptuelle, elle arrive à considérer des sujets géopolitiques qui nous touchent tous.
Outre Lydia Ourahmane, vous présentez aussi des artistes subsahariennes…
Dans le cadre de la saison Africa2020, nous (Triangle Astérides à Marseille et le réseau Triangle) avons décidé d’inviter Ziphozenkosi Dayile (« Zipho ») qui est une artiste et commissaire d’exposition sud-africaine.
Dayile travaille au sein d’un collectif Breaking Bread très actif à Cap Town, qui développe des méthodologies collaboratives autour de l’hospitalité : comment être ensemble, comment se regrouper, comment partager, et comment peut exister une activité artistique très ancrée au sein des communautés locales ? Je parlais de savoir-faire local, en voici l’illustration.
Nous avons décidé d’inviter Ziphozenkosi Dayile à partager les méthodologies qu’elle développe et à organiser des programmes publics, ici à Marseille, en ressemblant et en invitant des artistes. Ses présentations seront visibles pendant le QG Africa2020 à la Friche de la Belle de mai, avant de se poursuivre jusqu’à la fin de la saison fin septembre, via une plateforme digitale. Cela permettra d’organiser les moments de rencontres en personne à Marseille et également d’élargir et de partager notre programmation sur l’Internet.
Quels sont les projets de Triangles avec ces artistes ?
Avec les artistes en résidence actuellement – ils sont arrivés il n’y a pas très longtemps -, nous allons justement travailler tout l’été sur le projet de Ziphozenkosi Dayile, parce qu’il se développe en sept sessions et compte beaucoup d’improvisation. D’ailleurs, cela rejoint notre idée : elle arrive avec sa méthodologie, mais reste ouverte à la rencontre avec toutes les personnes qui travaillent autour de questions similaires à Marseille et en France.
La particularité de Triangles Astérides à Marseille, c’est que nous accueillons des artistes toute l’année ; nous sommes déjà en train de sélectionner les résidents de l’année prochaine.
En quelques chiffres, Triangle Astérides, c’est combien d’artistes, d’expositions ?
Quelque 650 artistes ont été accueillis à Marseille depuis 27 ans à parité homme femme. Et avec une grande diversité de pratiques, de créativité ainsi qu’une grande diversité de provenances. Ce sont, quoi qu’il arrive, 750 mètres d’ateliers et de lieux d’expérimentation, occupés constamment toute l’année au sein de notre structure.
SD