FMI : Antoinette Sayeh, une voix forte pour l’Afrique

Ancienne ministre des Finances du Liberia, Antoinette Sayeh prendra ses fonctions, le 16 mars 2020, de directrice générale adjointe du FMI. Retour au sein d’une institution qu’elle connaît bien et où sa réputation de sérieux, dans des situations difficiles, n’est plus à faire.

Par Laurent Soucaille

L’aboutissement d’une longue carrière et la récompense d’une belle expérience. Voilà comment pourrait-on résumer le retour annoncé d’Antoinette Sayeh au poste de directrice générale adjointe du FMI (Fonds monétaire international). C’est la seconde fois qu’une personnalité africaine accède à ce poste, après Alassane Ouattara, entre 1994 et 1999. La nomination sera effective au 16 mars.

Cette arrivée serait à l’initiative de la nouvelle directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, qui salue « le retour parmi nous d’une chère amie et membre de la famille du FMI ». Antoinette Sayeh est « bien connue et très respectée », poursuit-elle, « car elle a occupé le poste de directrice du département Afrique, dans une période pendant laquelle elle a mené une transformation en profondeur de la relation entre le FMI et nos pays membres africains ».

Antoinette Sayeh est née le 12 juillet 1958 à Monrovia au Liberia. Elle est licenciée en Sciences économiques au Swarthmore College, en Pennsylvanie (États-Unis), et diplômée de la Fletcher School of Law and Diplomacy, à l’université Tufts, Massachussetts, où elle a obtenu une maîtrise et un doctorat en Relations économiques internationales.

En effet, Antoinette Sayeh avait rejoint le FMI en juillet 2008, au moment où le renchérissement des produits alimentaires et énergétiques et la crise financière mondiale mettaient à mal les niveaux de vie sur le continent. « Antoinette a géré ces défis et ceux qui ont suivi avec les talents qui la caractérisent : diplomatie tranquille et efficace, capacité d’analyse exceptionnelle et maîtrise sans pareil des problématiques du continent », avait commenté en 2016 la directrice générale d’alors, Christine Lagarde.

Avant même ce poste à responsabilité, Antoinette Sayeh a occupé, de 2006 à 2008, celui ministre des Finances du Liberia, où elle travaillait déjà depuis plusieurs années. Sous la présidence d’Ellen Johson Sirleaf (qui fut elle-même ministre des Finances quelques années plus tôt), elle y a conduit les efforts de son pays pour apurer ses arriérés de dettes, au sortir d’une période de guerre civile. Auparavant, elle avait occupé d’importants postes au sein de la Banque mondiale. Elle a notamment été directrice des opérations pour le Bénin, le Niger et le Togo, économiste-pays pour le Pakistan et l’Afghanistan, ainsi que conseillère à la Vice-Présidence de la Politique opérationnelle de la Banque et assistante de son directeur général principal.

« Un attachement inébranlable à l’équité »

Au FMI, Antoinette Sayeh a contribué à la réforme des mécanismes de prêts concessionnels en 2010 et, par la suite, à celle de la politique du Fonds en matière de plafonds d’endettement. D’autres initiatives ont suivi, notamment celles qui ont permis au FMI de fournir un financement d’urgence et un allégement de dette aux trois pays touchés par la crise de l’Ebola en 2014. « Antoinette Sayeh a en outre encadré les initiatives visant à accroître l’efficacité de l’assistance technique du FMI en Afrique, en privilégiant davantage le renforcement des institutions, notamment dans les États fragiles », explique le FMI.

Antoinette Sayeh DGA FMI

Antoinette Sayeh DGA FMI

« Antoinette a le rare avantage d’allier leadership institutionnel, capacité d’analyse profonde et attachement inébranlable à l’équité, commente Kristalina Georgieva qui « a toujours été impressionnée par la sincérité avec laquelle elle se soucie du bien-être des personnes au service desquelles nous œuvrons et par sa capacité à les placer au cœur de nos efforts. J’ai personnellement fait sa connaissance et travaillé avec elle au fil de nombreuses années, pendant lesquelles elle a occupé un large éventail de postes. Je me réjouis à la perspective de travailler de nouveau en étroite collaboration avec elle alors qu’elle intègre l’équipe de direction ».

On sait peu de choses, au fond, d’Antoinette Sayeh et, nous le voyons, ce sont les autres qui en parlent le mieux ! Elle ne livre que très peu d’interviews, ne publie que des notes techniques et austères, sa présence sur les réseaux sociaux se limite à des commentaires brefs sur des travaux académiques. Bref, une carrière de politique technocrate assumée, loin des paillettes et des petites phrases qui font gagner en réputation. Après tout qu’importe, quand le CV suffit à cette tâche ?

Efficace, tenace, inflexible…

Antoinette Sayeh est née le 12 juillet 1958 à Monrovia au Liberia. Elle est licenciée en Sciences économiques au Swarthmore College, en Pennsylvanie (États-Unis), et diplômée de la Fletcher School of Law and Diplomacy, à l’université Tufts, Massachussetts, où elle a obtenu une maîtrise et un doctorat en Relations économiques internationales.

Réputée pour son efficacité, on la dit tenace, voire inflexible. Il a fallu l’être pour apurer la dette libérienne, permettant à son pays d’accéder au programme PPTE, l’initiative en faveur des pays très endettés. Son action a renforcé les finances publiques du Liberia, et enclenché la réforme dans la gestion des finances de l’État. Non sans prendre des décisions courageuses, comme celle d’envoyer à la retraite des centaines de fonctionnaires ministériels.

Antoinette Sayeh FMI

Antoinette Sayeh FMI

Il a également fallu du cran pour affronter la sérieuse crise financière en Afrique centrale, après 2015 quand les pays de la Cemac, affectés par la crise pétrolière et la mauvaise gestion, étaient dans l’incapacité d’honorer leurs engagements. « Parfois, il est difficile de se rappeler combien la tâche était ardue », lâche Antoinette Sayeh dans l’une de ses rares confidences, auprès du journal de son ancienne université.

Il lui a fallu se montrer inflexible, aussi, quand au sein du FMI, elle découvrira la « dette cachée » du Mozambique, et les montages financiers douteux qui la masquaient. En avril 2016, après avoir adressé des remontrances au pays et alerté les créanciers, le FMI n’hésite pas à suspendre son programme d’aide au pays.

Une expérience de la gestion des crises

Chargée de recherche invitée au Center for Global Development, l’économiste a également joué un rôle influent dans la dernière reconstitution de l’Association internationale de développement de la Banque mondiale, en tant que coprésidente externe.

Sa nomination intervient sous fond de nouvelles inquiétudes des bailleurs internationaux à l’égard des pays africains, notamment les plus endettés. Sa voix compter dans les négociations à venir.

Inflexible ne veut pas dire dogmatique ou insensible. « En juillet-août 2014, lorsque la gravité de la flambée d’Ebola est devenue manifeste, nous avons agi avec les gouvernements guinéen, libérien et sierra-léonais. Pour financer la lutte contre ce fléau, il était logique de creuser les déficits budgétaires, mais, comme ces pays n’avaient pas accès aux marchés, nous devions également les aider à combler d’énormes problèmes de financement. En mettant en marche des procédures accélérées, le FMI a rapidement réagi, pour offrir aux trois pays un financement à taux d’intérêt nul de 130 millions de dollars », confiera-t-elle, une fois la crise passée.

D’ailleurs, est-ce un hasard si sa nomination intervient sous fond de nouvelles inquiétudes des bailleurs internationaux à l’égard des pays africains, notamment ceux de l’Initiative PPTE ? Sa voix comptera dans les négociations à venir.

Les commentaires sont fermés.