Qui est Hadja Idrissa Bah ?

Née en 1999, cinq ans après la CIPD du Caire, la jeune Guinéenne incarne une nouvelle génération prête à changer les mentalités.*

Quand les jeunes femmes de vingt ans comme nous sortent dans la rue et réclament, il faut les écouter ! » À l’âge de dix-huit ans, elle s’est fait remarquer sur les réseaux sociaux.

Hadja Idrissa Bah : Le combat de toute une génération

Dans une vidéo devenue virale sur Facebook tournée en mars 2018 lors d’une manifestation à Conakry, Hadja Idrissa Bah apparaît en foulard rouge. Courageuse, éloquente, elle est déterminée à obtenir le minimum, c’est-à-dire le respect de son corps et de son avenir.

Engagée contre l’excision et les mariages précoces, cette fille d’un petit épicier et d’une femme de ménage de la commune populaire de Ratoma, à Conakry, est l’aînée d’une fratrie de neuf enfants.

Elle est poussée par son père à étudier, et fait de ses études la priorité. Lorsque sa première vidéo fait parler d’elle à l’international, elle est déjà bien connue à Conakry.

Elle a été élue en 2013, à l’âge de quatorze ans, membre du Parlement des enfants guinéens. Un an plus tard, elle en devient présidente et à dix-sept ans, elle fonde le Club des jeunes filles leaders de Guinée.

Son association sensibilise dans les écoles et donne un espace de parole qui manque cruellement. Elle passe la majeure partie de son temps à recueillir des témoignages sur des viols conjugaux, des mariages précoces, des grossesses non désirées, dans le cadre des « cellules d’écoute » qu’elle a montées.

« Elle est emblématique d’une jeunesse qui se met de plus en plus en mouvement et ne fait plus parler d’elle pour sa vulnérabilité, mais au contraire sa force de proposition, en tant qu’acteur à part entière ». Le parcours de Hadja Idrissa Bah ne fait que commencer. Il s’annonce prometteur.

Il y a fort à faire en Guinée, où 55 % des filles sont mariées avant 18 ans. Malgré une loi contre l’excision adoptée dès 1965, le pays affiche l’un des plus forts taux au monde de femmes excisées (97 % des 15-49 ans, contre 89 % en Sierra Leone, 83 % au Mali, 75 % en Gambie, des niveaux tombés à 25 % au Nigeria et 23 % au Sénégal).

Elle-même a été excisée à l’âge de dix ans, lors de prétendues « vacances » organisées par sa famille, au cours desquelles elle a dû faire face à une vieille femme. Une pratique qui la révolte. « Nous ne luttons pas pour l’argent ou la célébrité, mais parce que ces violences, nous les avons vécues. Les femmes méritent d’avoir un corps pur et complet, de ne pas être privées de leurs droits. »

Nous devons nous lever 

Sa renommée lui vaut d’être sélectionnée par le Fonds français Muskoka avec sept autres jeunes blogueurs, journalistes ou influenceurs ouest-africains, pour participer à un atelier d’une semaine à Dakar, organisé fin 2018 par Le Monde Afrique, TV5 Monde et RFI.

Hadja Idrissa Bah

Hadja Idrissa Bah

À l’issue de cette formation, elle décide d’écrire un texte sur la Guinée. Aujourd’hui, elle étudie la science politique et milite plus que jamais sur la cause qui la concerne au plus haut point : son avenir et celui de ses soeurs, qu’elle veut voir échapper à l’excision.

Présente en mai 2019 lors du « Women 7 » (W7), un mouvement international d’organisations féministes né en 2017 en marge du G7, elle continue de marteler son message : « Nous sommes les victimes. C’est nous qui sommes mutilées, il faut donc que nous nous levions ! »

Le parcours de Hadja Idrissa Bah ne fait que commencer. Il s’annonce prometteur.

À son niveau, elle poursuit le combat d’égéries telles que le mannequin d’origine guinéenne Katoucha Niane ou la chanteuse malienne Inna Modja, qui ont brisé le tabou en osant parler ouvertement de leur traumatisme.

Croire qu’elle reste une exception dans sa société ou sa région serait une erreur. « Elle appartient à cette génération qui a envie de changer les choses et mène des actions à très fort impact », relève Marie Soulié, coordinatrice du point focal du Fonds français Muskoka à Dakar.

« Elle est emblématique d’une jeunesse qui se met de plus en plus en mouvement et ne fait plus parler d’elle pour sa vulnérabilité, mais au contraire sa force de proposition, en tant qu’acteur à part entière ». Le parcours de Hadja Idrissa Bah ne fait que commencer. Il s’annonce prometteur.

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