Trombinoscope : Chimamanda Ngozi Adichie (écrivaine)

Féminisme, couleur de peau, identité et immigrations, les romans de la Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie sont marqués par sa propre histoire. Retour sur le parcours d’une femme énigmatique, aujourd’hui mondialement réputée.

 Par Cindy Ahodehou

Née en 1977 à Enugu, au sud-est du Nigeria, Chimamanda Ngozi Adichie est la cinquième enfant d’une fratrie de six. Elle passe toute son enfance à Nsukka, un quartier de Lagos, dans une résidence universitaire ; ses parents sont enseignants. Destinée à être médecin, elle suivit une année d’étude, mais le cœur n’y était pas. La future écrivaine décide alors de poser ses valises aux États-Unis, elle a 19 ans et va étudier à l’université de Philadelphie.

Femme engagée, maintes fois primée, la célèbre romancière est aujourd’hui considérée comme une icône culturelle. Du féminisme à l’immigration, elle influence ses contemporains et séduit lors de ses prises de paroles franches et sans tabous. Son crédo, changer la vision sur l’Afrique et défendre l’égalité hommes-femmes. « Dieu ne m’abandonnera jamais », telle est la signification du prénom Chimamanda qui semble aller comme un gant à celle qui incarne l’Africaine libre et indépendante d’aujourd’hui et de demain.

Chimamanda Ngozi Adichie entame son métier d’écrivain en 1997 par la publication d’un recueil de poèmes. En 2003, sa carrière prend son envol avec son premier livre, L’hibiscus pourpre, elle n’est alors qu’étudiante.

« J’ai découvert la notion de race aux États-Unis. Au Nigeria, je ne m’étais jamais dit que j’étais noire, c’est en arrivant aux États-Unis que je le suis devenue. »

Le roman est primé par le Commonwealth Writers Prize en 2005. S’ensuit son second roman, paru en 2006, L’autre moitié du soleil, un récit sur la guerre du Biafra qui coûta la vie de ses deux grands-pères. Le livre est couronné par le prix Orange Prize for fiction ainsi que par le Anisfield-Wolf Book Award. Son troisième roman, Autour de ton cou, est publié en 2009.

En 2013, sa carrière prend un nouveau tournant. Son quatrième ouvrage, Americanah, est sélectionné par le New York Times comme l’un des dix meilleurs livres du moment. Traduit et publié dans vingt pays, Americanah est en cours d’adaptation au cinéma avec en tête d’affiche Lupita N’Yongo et Danai Gurira.

Quand la fiction s’inspire de la réalité

Chimamanda Ngozi Adichie et Michelle Obama

Chimamanda Ngozi Adichie et Michelle Obama

À la suite de la publication de son essai Nous sommes tous des féministes, publié en 2014, vendu à plus de 500 000 exemplaires à travers le monde, honoré par Beyoncé dans son titre Flawless, et après la parution de son roman Cher Ijaewele, un manifeste qui propose une éducation féministe en quinze points, on lui colle l’étiquette d’icône mondiale du féminisme.

L’écrivaine se sert de ses histoires personnelles pour en faire de romans. « J’ai découvert la notion de race aux États-Unis. Au Nigeria, je ne m’étais jamais dit que j’étais Noire, c’est en arrivant aux États-Unis que je le suis devenue. » Ces mots rappellent un passage d’Americanah.

De fait, ce roman raconte l’histoire d’une jeune nigériane fraîchement arrivée dans le New Jersey qui se rend compte, pour reprendre l’expression citée dans le livre, qu’elle est Noire. Cette jeune fille, face aux difficultés à s’adapter à une nouvelle culture, décide d’explorer le sujet dans un blog, « Racetheenth ».

À travers ce roman, Chimamanda Ngozi Adichie parle avec franchise d’immigration et soulève la question identitaire. Elle s’inspire de certaines situations qu’elle a dû affronter en arrivant dans un pays étranger lorsqu’elle quitte le Nigeria natal pour effectuer ses études. Elle nous fait voyager à travers deux continents, et tente de casser les clichés.

Icône mode ou icône culturelle ?

Ses prises de paroles influencent aussi dans le domaine de la mode et de la beauté. Sa conférence TEDx Talk de 2012, regardée plus de 4,5 millions de fois, a inspiré la maison Christian Dior qui a créé des tee-shirts et des sacs portant l’inscription « Nous devrions tous être des féministes ». Arboré par Rihanna et Nathalie Portman, le tee-shirt est vendu à 620 euros !*. Elle devient également égérie de nombreuses marques de produits de beauté. Ce qui ne plaît pas à tous.

Chimamanda Ngozi Adichie : « Si je ne pouvais pas écrire, je préfèrerai (en) mourir »

Mais Chimamanda Ngozi Adichie revendique le fait d’être crédible même en étant maquillée et perchée sur de hauts talons. Preuve est, lorsqu’en 2017, elle est élue à l’Académie des arts et des sciences. Et qu’elle reçoit un doctorat honorifique en Lettres.

En octobre 2018 elle participe au Monde Festival tenu à Paris. Lors d’un entretien avec les médias, elle qualifie de « malhonnête » la politique migratoire des gouvernements européens. « Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont eu besoin de se déplacer et cela va se poursuivre. Ce n’est même pas une question de circonstances économiques, mais simplement parce que les gens ont envie de voir autre chose ».

* (https://www.dior.com/fr_fr/products/couture-843T03TA428_X0200-t-shirt-en-coton-et-lin-imprime-we-should-all-be-feminists?size=TM&gclid=Cj0KCQiAkePyBRCEARIsAMy5Scv8X27Rdnz-XcylWLiieyiv-lrxliJH15I4RuTk7VU-DBpLyDtKMCQaArkTEALw_wcB)

ENCADRE

Féministe 2.0

« On apprend aux filles à rester sages, à se faire discrètes. On leur répète « Tu peux avoir de l’ambition Mais pas trop. Vous devez avoir un but dans la vie à atteindre sans trop y réussir Sinon tu es une menace pour le genre masculin; Parce que je suis une femme on attend de moi que je me marie, on attend de moi que je fasse des choix tout en ayant bien à l’esprit, que le mariage soit la chose la plus importante, que le mariage procure bonheur et amour ainsi qu’un soutien réciproque mais on ne dit pas ça à un homme?

On élève nos filles à être meilleures que les autres pas dans le travail ou la réussite, ce qui pourtant, à mon avis, serait une bonne chose, Mais à paraître parfaite aux yeux des hommes. On apprend à nos filles qu’elles n’ont pas à avoir de désirs sexuels comme les hommes en éprouvent. Féministe : une personne qui croit à l’égalité sociale, politique et économique entre les sexes différents », extrait du discours de Chimamanda Ngozi Adichie tenu lors du TEDx Talk de 2012.

 

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